Progresser à Underworlds: Le Combat contre soi

 

L’expérience est le nom que chacun donne à ses erreurs.

Oscar Wilde

 L’erreur. Dans notre monde cherchant toujours l’optimisation et la perfection, il ne reste plus beaucoup de place à cette part imparfaite de tout comportement. Totalement évacuée du système scolaire qui y lui accole systématiquement la notion de sanction, évitée dans la plupart des domaines qui recherchent la productivité et la surabondance, elle est perçue dans notre société actuelle comme une faille qu’il s’agit pratiquement toujours de combler le plus rapidement possible afin d’oublier son éventualité. Pourtant, l’erreur est la source primordiale de tout apprentissage et des remises en question qui permettent à l’individu d’évoluer, une fois dépassé le moment de crise engendré par un encoublement temporaire, sur des chemins bien plus intéressants et gratifiants. Vous l’aurez compris, après cette introduction aussi philosophique que pompeuse, nous allons dans cet article nous intéresser à l’erreur dans Underwolrds, un phénomène inévitable du jeu qui participe à lui donner toute sa saveur, et ses implications sur l’évolution positive du joueur, une fois que celui-ci est parvenu à reconnaître sa valeur et ses bénéfices sur le long terme.

 

Phase 1 : Reconnaître et accepter ses erreurs

Underwolrds peut être une source de profonde satisfaction. Il peut également être le vecteur de la plus sombre des frustrations. Certaines parties, à cause de facteurs qui semblent échapper à notre contrôle, prennent des allures de longue descente aux enfers. Lancés de dés qui semblent ignorer que des faces comportent des réussites, objectifs immédiats se trouvant tous à la fin du deck, mulligan de cinq améliorations qui en amène quatre autres, sont autant de clous qui peuvent sceller le cercueil métaphorique d’un joueur et être perçus comme la cause principale de l’échec. Pourtant, une défaite ne devrait, si possible, jamais se résumer uniquement à l’un de ces différents déboires, comme je vais vous l’expliquer dans quelques lignes.

Mais, tout d’abord, il est temps de vous fournir un petit cours de psychologie qui étayera mes prochains propos (et au passage vous apprendra quelques trucs sur la profondeur de l’esprit humain). Lors de tout événement significatif qui lui arrive, l’humain (une étude plus approfondie sera effectuée prochainement sur les Orruks) fait face à un dilemme systématique pour expliquer ce qui vient de se passer : soit il en est l’auteur (il fait donc une attribution interne), soit il en est l’objet (il fait donc une attribution externe). Exemple, rapide et concret. Bobby le gobelin, traverse le camp des Orruks quand il se heurte à un membre de l'espèce peu avenant qui décide de se changer les idées en bousculant vigoureusement Bobby. Notre sympathique et pourtant malheureux héros peut alors trouver la cause de son déboire dans deux sources différentes. Il peut se dire quelque chose comme : "Oulà, je l’ai pas vu cet Orruk massif, j’aurais dû être plus prudent/attentif " effectuant ainsi une attribution interne (je subis les conséquences de mon comportement) ou alors plutôt quelque chose du genre « Oulà, j’ai pas eu de chance de tomber à ce moment-là sur cet Orruk colérique» effectuant cette fois une attribution externe (je subis un désagrément dont la source m’échappe).

Ce phénomène d’attribution (appelé aussi locus de contrôle (vous pourrez frimer encore un peu plus comme ça)) se fait généralement automatiquement aussi bien pour les événements négatifs (bousculade d'Orruck patibulaire (pléonasme, s’il en est)) que positifs (trouver par terre une bourse pleine de pièces d'or). Est-ce que vous pouvez déterminer quelles conséquences comportementales décisives vont entraîner les deux formes de conclusions et du coup quel est, outre leur différence de croyance, ce qui les sépare totalement? Je vous laisse relire l’histoire de Bobby. Dans le premier cas, notre frêle protagoniste, la prochaine fois qu’il gambadera dans le camp, fera plus attention à ce qui se passe autour de lui, parce qu’il pense qu’il a été en partie auteur de sa rencontre passée et qu’il peut donc faire en sorte de changer les choses en adoptant un autre comportement. Dans le deuxième cas, notre héros pathétique ne modifiera rien à sa conduite, puisque considérant qu’il n’a été que l’objet de la disgrâce de Dame Chance et qu’il doit sa dernière raclée aux aléas de cette perverse amante sur lesquels il n’a aucune emprise.

Revenons maintenant à Underworlds (puisque, normalement, vous êtes davantage intéressés par ce jeu que par la trajectoire existentielle de Bobby). Tous les  exemples que j’ai fournis en début de chapitre relèvent de l’attribution externe. En effet, ces éléments expliquent tous l’échec de la partie en plaçant sa cause  à l’extérieur du joueur (« Je n’ai vraiment pas eu de chance ! », « Mon adversaire était trop fort! », « Les veuves, c'est cheaté ! » (Bon, cette dernière affirmation reste relativement vraie). Or l’attribution externe est un frein extrêmement puissant à l’amélioration puisqu’elle remet la cause de l’adversité à des facteurs qui sont incontrôlables puisque échappant à l’emprise du joueur. A son opposé, l’attribution interne qui pointe l’explication de son échec à ses propres compétences ou décisions (« J’ai mal joué. », « Je ne dispose pas de réponse à cette situation dans mon deck. ») est nettement plus culpabilisante (il faut porter le poids de sa propre faute) mais permet de progresser et de se perfectionner en prenant en compte ses erreurs passées. C’est pourquoi, même si parfois Dame Chance paraît nous tourmenter par ses aléas les plus vils, il est toujours plus intéressant de se demander ce que nous aurions pu mieux faire plutôt que d’accorder tout le crédit de notre défaite à une funeste malchance. D’autant plus dans un jeu où tant de décisions sont prises à chaque tour, où le deckbuilding demande une finesse et des calculs méthodiques et qui ne cesse de se renouveler, il y a toujours des révisions à envisager avant d’attribuer notre débâcle à des éléments extérieurs à nous-même.

Corollaire 1 : Demander de nous pointer nos erreurs

 Il est souvent compliqué durant une partie de garder en mémoire toutes les occasions qui nous ont semblé être des erreurs tout en restant concentré sur notre jeu. Le nombre d’informations à traiter étant extrêmement important et les tours se succédant rapidement, l’observation et l’enregistrement de tout ce qui aurait pu être mieux accompli relève d’un exercice quasi impossible. Cependant, il y a une personne qui y prête particulièrement attention et qui consigne mentalement chacune de nos fautes, puisqu’il en tire généralement parti. Il s’agit bien sûr du sympathique et attentif individu qui se trouve de l’autre côté de la table : l’adversaire (auquel on préférera le nom de compagnon de jeu). Il est donc toujours intéressant de s’entretenir quelques instants avec le joueur adverse, en fin de partie, pour lui demander ce qu’il a perçu comme des faux pas stratégiques ou des utilisations erronées de cartes.

Lors de ce retour, il faudrait pouvoir se montrer patient, compréhensif et ouvert à la critique. Même si, en général, durant ce genre de moment, on a souvent tendance à vouloir justifier ses choix qui nous ont paru judicieux sur l’instant, il vaut mieux garder le silence et se montrer curieux. Il est dans ce cadre beaucoup plus simple pour l’adversaire (devenu soudain un appui et un soutien à notre progression future) de prodiguer des conseils et de pointer les erreurs que quand il fait face à un argumentaire sans fin de justifications à chaque exemple donné. Il peut être également utile de demander à des observateurs de la partie de communiquer leurs sentiments par rapport à des actions de jeu suboptimales. Que l’on perde ou que l’on gagne, il est toujours très précieux de recueillir le plus d’informations possibles. Ce sont elles qui fourniront, par la suite, une base à une réflexion et une analyse qui permettra à chaque joueur de s’améliorer.

Corollaire 2 : Embrasser ses erreurs

Ce corollaire est dur. Très dur. En tout cas pour moi. C’est en l’occurrence celui avec lequel je me débats le plus pour le mettre en oeuvre, me trouvant à chaque fois mille prétextes pour l’oublier. Il est pourtant aussi simple qu’inexorable. Quand une faute est faite, une erreur commise, un oubli consommé, il n’est pas possible de revenir en arrière. Cela veut dire que quand vous vous trompez lors d’une partie amicale, vous ne demandez pas à revenir en arrière ou changer votre choix et ceci même si votre adversaire, tout sourire, vous propose (voire vous exhorte) de le faire. Souvent, on entend cette phrase, pure produit de l’empathie et de la compréhension de la situation de l’autre : " Ca ne fait rien, reviens en arrière, nous ne sommes pas en tournoi. " C’est très gentil, très compréhensif et surtout extrêmement tentant. Sauf que si vous souhaitez ne plus tomber dans le piège dans lequel vous venez de basculer, vous avez meilleur temps de décliner la proposition et d’assumer les conséquences de vos actes. Cela aura comme désavantage de vous faire grincer des dents durant le reste de la partie, ruminant votre erreur. Cela aura par contre comme avantage de vous rappeler plus aisément par la suite, quand vous vous retrouverez dans les mêmes circonstances, de ne pas commettre la faute qui vous a gâché une partie entière.

Alors que si vous céder à la tentation de « court-circuiter » votre négligence en faisant comme si vous ne l’aviez pas commise, les chances sont beaucoup plus élevées pour que vous tombiez dans le même écueil que vous aurez oublié l’ayant aisément détourné lors de vos rencontres précédentes. Bien sûr, cette rigueur, si vous voulez l’exploiter au mieux, ne doit être mise en application qu’une fois que vous commencez à être à l’aise avec le jeu et que vous souhaitez gommer un certain nombre de défauts moins importants (mais qui peuvent être fatals en tournoi, par exemple). Cette discipline est également à proscrire quand vous êtes poussé à la faute par méconnaissance des règles et que vous êtes amené à prendre une décision incongrue de par ce motif. Bien sûr, ce corollaire s’il peut être appliqué à soi, ne doit pas vous dissuader de vous montrer courtois et compréhensif en proposant à votre adversaire de refaire son action quand vous le sentez désemparé après une abominable erreur. Ce sera alors à lui de décider ce qu’il souhaite faire de sa faute et, en général, il vous appréciera d’autant plus, quelle que soit sa décision finale, pour avoir proposé un retour fictif dans le temps.

Corollaire 3 : Perdre, perdre et reperdre (et aimer ça !)

La gloire. Cette sensation de puissance et de contrôle que vous éprouvez quand vous attaquez le leader ennemi et que les dés accumulent les critiques sans même que vous ayez à jouer des cartes. Qu’il y a-t-il de plus satisfaisant, si ce n’est une suite de victoires qui marquent à chaque fois votre suprématie et inonde votre ego d’une aura d’invulnérabilité? Et bien, pour l’apprentissage, il n’y a pas pire. En général, lorsque l’on sort victorieux d’un affrontement ou premier d’un tournoi, on se souviendra d’une chose de l’expérience que l’on a vécu : j’ai été le meilleur. Si l’on s’est senti menacé ou déstabilisé, peut-être retiendra-t-on quelques bribes de souvenirs qui serviront de leçons bien vite oubliées. La défaite, elle, amène le plus souvent bien plus d’analyse de la partie et de remise en question sur sa manière de jouer (dès lors que l’on pratique l’attribution interne) qu’une victoire qui ne débouche, en général, que sur peu de considérations de ce genre. Sur le principe de « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » (expression très discutable à mon sens, à moins que l’on développe exactement le sens de « tuer », mais passons), chaque défaite peut être considérée comme une expérience salutaire tant qu’elle offre une ou plusieurs leçons dont le joueur pourra tirer profit lors des prochaines parties et ainsi progresser vers de meilleures compétences.

Ainsi, à nouveau, plutôt que de se laisser submerger par une quelconque émotion négative qui nous envahirait suite à la perte d’une partie et de s’enferrer dans cette forme relativement normale de frustration, il vaut mieux se concentrer sur les potentiels apprentissages que recèlent cette expérience qui nous permettront de devenir meilleur dans tous les sens du terme. Comme l’ensemble des choses de ce monde, il est toujours question de point de vue, et si vous perdez partie sur partie, mais que vous parvenez chaque fois à en tirer une leçon, profitez de ce moment pour prendre conscience de tout le savoir que vous venez d’accumuler. 

Et nous voilà au terme de cette apologie de la défaite et de l’erreur. Bien sûr, Underwolrds est aussi un jeu possédant sa part de chance et d’événements malencontreux. Malgré tout ce que je viens d’affirmer, il y a des parties où les astres sont contre nous et même le plus brillant des joueurs possédant le meilleur des decks ne pourrait retourner la situation. Mais, pourtant, il est toujours plus intéressant d’analyser nos possibilités d’amélioration, ces facteurs si ambivalents que sont nos erreurs potentielles, que de blamer à peu près tout le reste de l’univers. Ainsi, à mesure que vous sentez l’ombre de la défaite planer sur vous, accueillez-la avec un grand sourire et acceptez les leçons qu’elle vous offre, mais pas sans avoir déclenché votre 7ème sens pour chercher jusqu’à la dernière seconde une solution possible pour dépasser l’obstacle qui se dresse devant vous. Et n'oubliez pas qu'il n'y a pas plus grand échec que celui dont on ne tire pas de leçon.

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