L'héritage de Beastgrave: les apports de la troisième édition
Maintenant que l'ensemble des cartes de l'édition des grottes et des tombes sont sorties, il est temps de faire un petit bilan de tous les apports que nous a offert Beastgrave. Je vous propose donc une petite synthèse des dynamiques et synergies qui sont apparues dans cette édition ainsi que mon avis personnel, subjectifs et totalement biaisé sur cette belle question. J'aborderais également les sujets qui m'ont paru quelque peu négligé dans cette troisième itération de notre jeu préféré. Vous êtes prêts? C'est parti!
Les changements de règles: placement de case fatale et mise en garde
Les concepteurs ont bien fait leur travail de ce côté en proposant, grâce à quelques menus changements, un nouvel élément stratégique sous la forme de la case fatale à placer en début de partie, qui donne un aspect encore plus tactique au niveau de la mise en place, et un avantage non négligeable à l'état de garde qui empêche désormais d'être repoussé et de voir sa position fragilisée. Il est extrêmement bienvenu de remarquer que des petites modifications transforment considérablement la dynamique du jeu et que, plutôt que de se contenter d'un statu quo, les designers s'attèlent à trouver les éléments qui pourraient être améliorés. D'ailleurs, Papa concepteur, si tu m'écoutes, sache que j'ai été très sage cette année (je n'ai pas joué une seule fois Fantômes ni Veuves et qu'en de rares occasions les Goules) et que je souhaiterais recevoir, lors de la prochaine édition, une amélioration du mot clé "Recul" qui est actuellement vraiment…mauvais. Les Ironsouls qui sont tous détenteurs de ce mot de cinq lettres sont représentatifs de cet état de fait puisque, c'est triste à dire, je sais, la bande ne perdrait quasiment rien en efficacité (ou en inefficacité diraient certains) en leur enlevant ce mot-clé bien obsolète (car quand on désintègre un ennemi au contact, quelle est l'importance d'où vont voltiger ses restes ?). Le grand défaut de l'avantage conféré à Recul réside dans le fait qu'il ne s'active qu'en cas de dommages infligés et qu'il ne sert alors que rarement à quelque chose, voire à rien contre les bandes plus fragiles. Voici quelques propositions qui pourraient rendre le mot clé plus intéressant : 1) les combattants sont toujours repoussés lors d'une attaque avec Recul, même si l’attaque est ratée (pas le choix, même pas pour l'attaquant) 2) les combattants sont repoussés également lors d'égalités (un peu faible, mais déjà mieux) 3) les combattants attaqués par une arme avec Recul perdent leur jeton garde dans tous les cas. Bref, il y aurait des choses à faire pour améliorer cette qualité très peu recherchée parmi les autres excellents mots-clés qu'il existe actuellement.
Conclusion : Subtil mais pas futile ! Bel esprit à cultiver !
La nouvelle mécanique : des chasseurs et des proies
Prenons quelques instants pour nous rappeler de la mécanique apportée par l'édition antérieure à Beastgrave, celle de la magie. La magie venait avec des nouveaux dés, un nouveau type de cartes sort qui s'activait avec un minigame à la Yathzee, un nouveau statut de sorcier qui pouvait attaquer différemment avec les nouveaux jolis dés, etc. C'était fun, ça amenait du matos rigolo et ça ajoutait une véritable couche supplémentaire au jeu pour ceux qui étaient tentés par l'apanage de Tzeentch (assez mal porté dans le jeu par sa bande, mais passons). Comparé à cette mécanique rafraichissante, celle de cette édition paraît, je dois l'admettre, détenir l'aridité d'un désert sans oasis lorsque le soleil est à son zénith. Être chasseur, c'est avoir l'accès à des cartes dont seuls les chasseurs peuvent profiter. Devenir une proie c'est souvent profiter de l'avantage très important qu'une carte confère (bonjour Cryptic companion), sans souffrir particulièrement de ce statut qui peut même apporter d'autres bénéfices à moins que l'adversaire possède des cartes spécialisées contre les proies. Bref, les deux mots-clés donnent accès à des cartes et interagissent de manière trop ponctuelle pour pouvoir vraiment compter sur une rencontre systématique de proie et de chasseur ou, à l'opposé, est trop puissante quand elle est systématique (l'Ogor et les cartes universelles qui lui donnent des pouvoirs démesurés pour démolir ses proies). Il s'agit véritablement d'une conception minimaliste qui, à mes yeux, pointe un manque de créativité et d'intégration ludique. On aurait pu imaginer, par exemple, la règle suivante qui accompagne les simples mots-clés: "Au début d'un tour, si un joueur dispose de un ou plusieurs chasseurs sur les plateaux, il peut désigner un combattant ennemi. Celui-ci devient une proie.". Une telle approche aurait eu plusieurs avantages, au-delà du simple fait de rehausser l'esprit du veneur qui choisit sa cible. D'abord, elle aurait permis une interaction supplémentaire entre les joueurs, par la désignation de la proie. De plus, il y 'aurait eu une composante tactique de la part du chasseur en choisissant sa cible et de la part du chassé qui pourrait réagir de plusieurs manières à la désignation de la proie potentiellement soudain plus fragile. Et surtout, cela aurait permis d'avoir facilement une interaction entre chasseur et proie sans que celle-ci ne soit déséquilibrée du fait de son incrémentation en plusieurs tours. De mon point de vue, l'Ogor aurait été tout à fait jouable avec cette règle et les cartes qui ont été bannies ou restreintes à cause de lui (et celles qui le seront dans le futur, j'en suis sûr), n'auraient pas eu besoin d'une telle limitation. J'espère donc que les prochaines éditions proposeront une dynamique un peu plus construite et que si l'une d'elles se nomme Doomcirkus, nous n'aurons pas un nouveau mot clé "clown" qui donnera accès à des améliorations comme "Chaussures trop grandes" ou des subterfuges comme "Coussin péteur" sans une mécanique sous-jacente qui la soutienne réellement et amène un véritable nouvel intérêt au jeu.
Conclusion : Peut mieux faire. Doit plus travailler pour vraiment progresser.
La nouvelle composante des objectifs: les Hybrides
On pourrait me faire la réflexion que Beastgrave a effectivement implémenté la dynamique des objectifs hybrides mais également celle des objectifs duals. Ceci est tout à fait vrai, mais je considère que les duals existaient déjà sous la forme d'objectifs qui nécessitaient deux conditions mais n'étaient alors pas distingués des autres. Mais revenons aux hybrides, ces objectifs qui désormais peuvent être scorés selon plusieurs conditions différentes et qui laissent donc l'opportunité d'une certaine polyvalence. Pour ma part, je trouve l'idée extrêmement bonne car cette dynamique permet de "marier" deux conditions qui, si elles s'étaient retrouvées seules sur une carte, n'auraient eu aucun succès, mais dont les possibilités de scoring augmentent considérablement du fait du dédoublement des opportunités proposées. Ces objectifs me paraissent peut-être plus difficiles à équilibrer que ceux qui ne proposent qu'une seule possibilité et je m'attends à en voir plusieurs sur une liste restreinte, mais ce sujet est peut-être à réserver à un article dédié à ce sujet. Par contre, je m'attends à que ce design soit conservé dans la prochaine édition et que nous soyons témoins de plus en plus d'objectifs hybrides qui ont l'avantage de faire du nouveau avec de l'ancien, en reprenant simplement les conditions d'objectifs peu joués auparavant et en redorant leur blason en les associant à d'autres aussi délaissés. Nous verrons donc si mes prophéties (comme les appelle Gwai) comportent une part de vérité.
Conclusion : Démontre de bonnes idées. Mais attention à ne pas devenir un génie du mal.
Les nouvelles armes: Les mystérieuses Ambrivoire
Chaque édition connaît son nouvel arsenal composé d'une matière représentative de son inspiration. L'Ambrivoire, à mes yeux a été une itération particulièrement réussie avec sa composante de "tome d'offrande inclus" pour le défaut de devoir défausser la carte. Bien sûr, étant idiosynchratiquement (je place le mot juste pour l'assonance, hein, pas du tout pour me la jouer, hein?) un critique, je ne peux que me montrer sceptique quant à l'équilibrage des dernières armes sorties, mais au-delà de ces petites réticences, je suis ravi de cette nouvelle manière d'engranger des points de gloire et d'avoir une opportunité de construction d'un deck qui jouera l'objectif "A main nue" (on peut rêver).
Conclusion : Bel effort remarquable et remarqué.
La nouvelle dynamique de combat: C-c-c-c-combo !
L'arsenal des combattants les plus agressifs d'Underworlds s'est encore agrandi avec l'apport des armes combo. Si l'idée est relativement intéressante, les problèmes de ces armes sont nombreux et leur utilisation est restreinte à seulement quelques bandes qui peuvent en tirer véritablement parti. Entre le fait qu'il faut détenir au minimum deux améliorations pour que la mécanique se mette en place et l'obligation de toucher avec la première pour que la seconde puisse être activée, la dynamique représente un important investissement pour un risque élevé de n'avoir que peu de gains. Je m'attendais à un soutien systématique de la mécanique par la bande des elfes noires, mais celles-ci ne disposent que d'une seule combattante comboesque, qui ne rend que peu attrayante l'intégration des nouvelles armes. Une très bonne idée d'Arena Mortis a été d'amener des subterfuges conditionnés par l'utilisation d'armes combo qui leur donnait plus de valeur. Mais cette tentative incitatrice reste trop faible, ce qui est bien dommage, même si je suis tenté de me pencher sur le concept.
Conclusion : Il ne suffit pas de reprendre un terme de jeux vidéo pour créer un concept. Un peu plus d'imagination est requise pour les prochains travaux.
Les nouveaux Tomes (et j'ai ri) de Beastgrave
Chaque édition d'Underworlds propose son module d'améliorations à accumuler qui confère des points selon le nombre posé sur un personnage. Dans Shadespire, il s'agissait des reliques, dans Nightvault, des tomes. Les deux précédents essais m'avaient laissé particulièrement dubitatif et chacun d'eux avait d'ailleurs engendrés des decks n'allant pas dans la dynamique interactive du jeu à tel point qu'ils avaient été frappés de nombreuses restrictions voire de changements de règles. Bon, il faut admettre que passer trois tours à regarder des trolls pratiquer un concours de lecture à des coins opposés des plateaux n'était pas particulièrement représentatives des attentes des joueurs d'Underworlds. Il est d'ailleurs remarquable que les concepteurs aient à nouveau réussi à transformer le big guy de l'édition dans Beastgrave en une machine à scorer dans son coin, mais cette fois en creusant son deck et en cassant des objectifs…mais il s'agit là d'un sujet pour un autre article (à suivre, dans Doomcirkus, la bête de Nurgle qui score dans son coin en jonglant avec des otaries mutantes!). Je dois avouer n'être pas particulièrement conquis (euphémisme) par les pages perdues et l'Avatar de l'Ur-Grub mais ces derniers modules « win more » me semblent plus équilibrés que leurs prédécesseurs et je n'ai pas encore observé d'ascension dégénérée de leur utilisation, comme ça avait été le cas auparavant. Après m'être essayé moi-même à la conception de deck profitant de leurs avantages, je dois même m'avouer un petit peu séduit par la dynamique de l'Ur-Grub qui est très limitée (un objectif à trois points de gloire) par rapport aux autres collections d'augmentations. J'aurais d'ailleurs aisément investi dans l'achat d'une figurine d'Ur-Grub, si cette dernière était sortie pour représenter sa suprématie sur les plateaux d'Underworlds.
Conclusion : Se fond dans la masse de ses camarades par sa passivité. Un peu plus de créativité recommandée.
Les cartes à investissement de gloire
Introduit par Arena Mortis, le concept de cartes (améliorations comme subterfuges) exigeant un coup supplémentaire en gloire pour s'activer a représenté un changement à mes yeux très intéressant. Alors que les points de gloire n'étaient auparavant utilisés que pour acheter des améliorations, voilà que dorénavant leur portée se généralisait à de nombreux buts différents. Cette nouvelle dynamique amène un intéressant choix de deckbuilding, puisque le gain de gloire doit être relativement rapide et systématique pour pouvoir utiliser rapidement ces cartes si elles viennent à être incluses dans le deck. Ainsi, cumuler de nombreuses cartes exigeant une dépense de points de gloire peut mener à des premiers tours catastrophiques où aucune d'elles ne peut être jouées si les précieux points ne sont pas rapidement engrangés. De même ces cartes peuvent entrer en compétition avec la pose d'améliorations et donc mettre le joueur face à des dilemmes complexes. Leur puissance détient donc une contrepartie qui amène une certaine réflexion autant en termes de jeu que de deckbuilding bienvenue sur les tables d'Underworlds.
Conclusion : Se fait remarquer par ses idées brillantes et novatrices.
Le monde pas magique du tout de Beastgrave
Dans la catégorie des laisser pour compte, la magie peut prétendre à une des premières places dans l'édition de Beastgrave. En effet, la mécanique a reçu très peu de support, si ce n'est les pages perdues dont nous avons parlé plus haut, et je crois me rappeler d'un seul sort valant quelque chose entre toutes les nouvelles cartes (le truc qui fait un dommage sur un tourbillon et deux sur les proies (très bon sort qui est un exemple d'une bonne interaction avec les proies)). D'ailleurs, on a pu assister à la sortie d'une seule bande avec un réel potentiel de magie exploitable, Nurgle, qui est censée être la part obscure des Cursebreacker (oui, mais bof quand même). Les autres sorciers de l'édition (deux dans la boîte de base pour justifier la présence des dés de magie) ne sont que des pâles apprentis commençant avec un dé magique et n'en obtenant deux qu'une fois exaltés. C'est dire si l'accent n'a pas été mis dans Beastgrave sur les rituels ensorceleurs.
Conclusion : Doit rapidement se montrer plus présent sous peine d'être oublié en fond de classe.
Conclusion générale
De mon point de vue, Bestgrave a représenté une excellente édition. Plutôt que de se contenter d'amener simplement un nouveau contenu sur un format qui s'était bien stabilisé durant la deuxième saison, elle a introduit de nombreux changements et nouveautés qui ont façonné un panorama ludique vraiment intéressant et comportant de nombreuses opportunités. Bien sûr, l'ensemble de ces apports ne sauraient être tous du plus haut niveau conceptuel, mais ils ont participé à construire une saison enthousiasmante et relativement équilibrées où l'écart entre les bandes, plutôt que de se creuser, semble s'être réduite. Bref, je suis très content du contenu dans son ensemble et j'espère que la prochaine édition saura être à la hauteur de celle-ci tout en fournissant une mécanique de base dépassant la mécanique assez poussive de celle mettant face à face les chasseurs et leurs proies. Dans tous les cas, je me réjouis de la découvrir avec vous très prochainement !
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