Les leçons du traité des 5 roues appliquées à Underwolds (partie II)



Et nous revoilà pour la deuxième session privée avec le grand maître duelliste qu’est Miyamoto Musashi. Pour ceux qui n’auraient pas suivi la première partie de cet édifiant enseignement (bonnet d’âne, coin, tout ça), c’est par ici. Il nous reste donc pas moins de quatre principes à étudier et le dernier, intitulé la révélation selon saint Musashi, se trouve être le premier, interpréter par le prisme de l’intégralité des leçons fournies par le légendaire maître double épéiste du destin de la montagne sacrée s’entraînant à mains nues contre des pandas ninjas empoisonnés (ouais, j’ai dit à la rédaction que je ferai cette article en 2500 mots, donc voilà). Allez, je ne fais pas plus durer le suspense et nous abordons immédiatement le principe suivant.

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6) En toute chose s’habituer au jugement intuitif

On peut penser que Musashi pointe ici un travers que l’on peut retrouver chez certains joueurs des jeux de manière générale les plus éreintants mentalement : « l’Analysis Paralysis ». Il s’agit simplement de l’inertie engendrée par la prise en compte de trop de facteurs qui ralentit considérablement le rythme des parties, dès lors qu’un joueur se met à réfléchir à l’ensemble des possibilités qui d’offrent à lui sans parvenir à en prioriser. On peut aisément comprendre l’importance d’échapper à ce défaut pour le célèbre Ronin, dont la prise de décision rapide était la clé de la survie dans les moments où il fallait réagir rapidement (comme, par exemple, un combat de duellistes).

Underwolrds, bien heureusement, ne requiert pas des réflexes de sauvegarde de son existence. Pourtant un jugement intuitif, qui s’applique rapidement après avoir été modelé par la pratique de nombreuses heures (voir le point 2) a l’avantage de court-circuiter les moments de trop longue réflexion qui peuvent enliser l’esprit dans la marécageuse Analysis Paralysis. Jouer en donnant un bon rythme à la partie a l’avantage en tournoi de ne pas la voir se prolonger jusqu’à la time limit, frontière qui a tendance à faire peser un stress supplémentaire sur les deux joueurs. En effet, l’approche de la time limit demande en général de jouer plus rapidement tout en subissant une pression supplémentaire. Ces contraintes ont tendance à amener plus d’erreurs dans les derniers coups joués, d’autant plus chez les personnes enclines à devoir passer par un long processus de réflexion avant de prendre une décision. Bien sûr, tout l’enjeu consiste alors à trouver son rythme personnel qui ne soit pas trop rapide (sous peine d’augmenter le taux d’erreurs) ni trop lent (sous peine d’allonger son temps de jeu). Il faut donc bien parvenir à discerner les moments relativement « simples » pouvant être traité de manière intuitive et les situations plus « compliquées » exigeant une activation plus intense de ses rouages cognitifs.

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7) Connaître d’instinct ce que l’on ne voit pas

Musashi souligne ici l’importance de l’anticipation puisque l’élément de surprise devait jouer un rôle primordial dans les duels et qu’être pris à défaut face à une inconnue quelconque pouvait s’avérer fatal. Dans Underworlds, le parallèle est aisément applicable puisque tous les éléments sont connus par les deux participants si ce n’est les cartes pouvoir détenues par leur adversaire. Et cette composante du jeu, qui ne peut-être décryptée que par des effets très rares actuellement (Grimoire de Vision, qui joue ça, déjà?), demande effectivement à être appréhendée au moins en partie afin de contenir son effet destructeur jusqu’à une certaine limite. Bien sûr, il ne s’agit pas d’imaginer l’impact de chaque carte que pourrait posséder son opposant, exercice aussi fastidieux que futile. Mais il est bon d’imaginer l’ampleur des forces invisibles qu’il pourrait mobiliser.

Ainsi, un certain nombre de cartes pouvoir détenant un très fort impact sur le jeu demandent à être anticipées, sous peine d’être la source d’un déséquilibre très net lors d’une confrontation. Il convient donc non seulement de connaître la bande ennemie et de savoir quelles sont ses armes qu’elle peut utiliser mais également d’éviter les situations qui lui sont les plus favorables. Ainsi, contre un Ogor qui détient généralement de nombreuses cartes de push, il vaudra mieux ne pas s'approcher d'une case fatale avec un combattant à l'agonie, sous peine de le voir aisément trébucher. Il existe bien sûr des moments où il faut prendre le risque de subir un revers si ont veut accéder à la victoire, surtout dans un jeu comme Underwolrds où il s’agit le plus souvent de démontrer une attitude active pour l’emporter. Mais une telle décision doit être le fruit d’un calcul instinctif prenant en compte les cartes que l’autre pourrait posséder, plutôt qu’un simple accès de témérité.

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8) Prêter attention aux moindres détails

Nous reviendrons sur ce point lors d’un article dédié plus particulièrement aux ressources mentales engagées lors des parties d'Underworlds et de leur optimisation possible, mais nous pouvons l’aborder rapidement ici. Musashi met l’accent sur le besoin d’analyse du maximum d’informations afin de pouvoir déterminer le plus d’éléments possibles sur la situation et donc repérer les facteurs capables de l’influencer. Or, à l’instar d’un duel de samouraï, Underworlds est un jeu où il s’agit de traiter de très nombreuses informations et où l’omission de chacune d’elle peut faire la différence entre la victoire et la défaite. C’est d’autant plus vrai dans la phase d'action où les informations s’accumulent et s’enchevêtrent entre elles. Entre les pouvoirs des cartes en jeu (personnages et améliorations (et cartes Cycle, ahahahah)) et celles présentes en main , il y a de quoi s’y perdre. Mais dans un jeu si exigeant, chaque oubli pèse très fortement dans la balance.

Il faut donc faire en sorte de se donner les moyens d’être attentif pour pouvoir traiter tous les renseignements à ingérer. Pour se faire, une des solutions possibles consiste à prendre son temps et de faire des pauses, dans les moments où les effets de cartes commencent à pleuvoir. On a souvent tendance (en tout cas moi) quand les choses deviennent tendues à chercher à y répondre rapidement, l’adrénaline affluant et à enchaîner les effets en perdant la vision générale du jeu. Pourquoi pas alors, quand on sent monter en nous cet instinct précipité, essayer une technique de samouraï pour se refocaliser. Cette dernière consiste simplement à prendre sept respirations profondes tout en observant tous les éléments à prendre en compte avant de prendre sa décision sur le prochain coup à jouer.

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9) Ne rien faire d’inutile

Le conseil de Musashi pourrait paraître trivial. Et pourtant, il résume une loi aussi véridique dans les arts martiaux que dans les jeux de cartes : toute action engendre un coût et sans résultat en retour, elle se résume à une perte. L’hyper répétition des mouvements qui est considérée comme la base de la pratique des experts de nombreux sports assure bien sûr un perfectionnement du geste. Mais elle accroît également considérablement la sollicitation très précise de groupes musculaires circonscrits afin de dépenser moins d’énergie. Cette philosophie d’économie est primordiale dans un duel ou sur le champ de bataille où, dès lors que le conflit se prolonge, celui qui parvient à se prémunir de la fatigue augmente considérablement ses chances de l’emporter. Or le monde conflictuel d'Underworlds ne propose à peu près qu’une longue suite de choix d’investissements qui peuvent s'avérer éprouvant. Que ce soit de comment lancer un personnage dans la bataille, de choisir la bonne action à entrependre, de pointer le bon guerrier en payant une amélioration, tout n’est qu’exploitation d’opportunité si possible à moindre frais. Car celui qui parvient à obtenir le meilleur rendement par ses choix possède un vaste ascendant. C’est pourquoi il est toujours extrêmement important de peser chaque investissement engagé et surtout d’attendre que la situation présente un intérêt réel à le faire.

Une erreur que j’ai pu souvent observer à Underwolrds (et que je fais parfois moi-même) est ainsi la pose d'une amélioration qui ne sera pas utile lors de la prochaine phase. J’illustrerai ces propos nébuleux par un  certain nombre d'exemples. Un joueur trop heureux de gagner un point de gloire durant son tour muni immédiatement un de ses guerriers d'une arme d'Ambrivoire. Puisqu'il s'agit alors du tour du joueur adverse, celui-ci pourra se ruer sur le combattant trop heureux de venir de recevoir son nouveau jouet pour le trucider et lui enlever ainsi la possibilité de l'utiliser. De même, un crystal de voie métaphysique se doit d'être placé dans la phase pouvoir précédent son utilisation, sous peine de voir l'adversaire occuper les pions objectifs qui auraient sinon fait une excellente case d'arrivée.

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Conclusion

En guise de conclusion, je reviendrai sur le premier principe : éviter les idées perverses. Bien sûr, ce principe peut être interprété de mille manières différentes et mon analyse de celui-ci sera extrêmement subjective. Pour me donner un tout petit peu de contenance, je reprendrai la leçon principale de l’œuvre d’un personnage contemporain de Musashi qui est également une figure entourée d’un flou artistique et de nombreux mythes : le moine Takuan. Dans son livre, le mystère de la sagesse immobile, le moine met en garde contre la perversité d’un esprit figé dont la concentration sur un élément particulier fait disparaître sa capacité à agir de manière efficace en prenant en compte l’ensemble des facteurs de la situation. Il illustre son propos avec un exemple que j’ai trouvé particulièrement élégant. Il parle ainsi de la déesse Kannon, divinité à mille bras, dont les nombreux membres ne sont d’aucune utilité et même deviennent un fardeau, si elle n’en utilise qu’un seul à la fois et que son esprit devient donc fixé sur une seule cible de manière fixe. Sa nature divine lui vient donc de sa capacité à appréhender de nombreuses choses simultanément pour être incroyablement efficiente dans sa manière de les gérer.

Les principes de Musashi vont dans le même sens, chacun d’eux soulignant l’importance de l’ouverture d’esprit, de la remise en question, de l’esprit critique et de l’adaptabilité. L’idée perverse paraît alors être la certitude et l’inertie d’un mental enfermé dans un carcan trop rigide, l’empêchant d’exploiter, voire simplement de prendre conscience, des opportunités à saisir. On peut ainsi aisément imaginer que dans le monde des duels, souvent sans règles précises, avec des adversaires et des terrains de combat toujours changeant, la certitude, encore plus que le doute, pouvait signifier la défaite de celui qui s’accrochait trop à elle. Le recours à une technique ancestrale sans prise en compte de l’environnement, des particularités de l’arme de l’adversaire ou de sa posture devaient le plus souvent être fatal à ceux qui n’avaient pratiqué que dans des dojos et se retrouvaient soudain confrontés à des combattants aguerris, habitués à se servir de chaque élément du combat pour s’en servir comme une arme, comme l’image qu’à laissé Musashi.

Qu’en est-il dans Underworlds ? La correspondance avec Kannon, la déesse au mille bras, me paraît encore une fois particulièrement parlante. Dans Underworlds, il faut effectivement jongler avec pas loin de mille possibilités qui ne cessent de se présenter aux joueurs. Dans un environnement ainsi constellé d’opportunités dont le revers peut être une faute de jeu, il faut pouvoir les embrasser toutes pour augmenter ses chances de remporter la partie en se saisissant de celles qui sont les plus intéressantes à un instant particulier. Cette optique de garder un esprit ouvert, en ne négligeant aucune piste et en ne se bornant pas à des certitudes souvent réductrices, est aussi bien applicable au deckbuilding qu’aux parties jouées. Dans le méta extrêmement mouvant d’un jeu d’une grande richesse tactique, il paraît très souhaitable de sans cesse se réinterroger sur la pertinence de ses choix et des ses buts afin d’être sûr de ne pas finir par pourchasser une ombre plutôt que sa proie. Combien de fois ai-je découvert une utilisation insoupçonnée d’une carte que je n’avais jamais testée ? Combien de fois ai-je négligé un des nombreux éléments de la table qui était pourtant le plus crucial ? Même si l’erreur est inévitable puisqu’elle représente la monnaie la plus courante de l’apprentissage et sa meilleure composante, un esprit ouvert et des idées fluides sont des paramètres extrêmement importants pour parvenir à de bons résultats. Voilà, il me semble, la synthèse du premier principe de Musashi.

J’espère que vous aurez apprécié cette approche un peu différente de la stratégie dans Underworlds avec comme toile de fond la mythique figure d’un ronin plutôt efficace dans son domaine ! On se revoit très bientôt avec un article tactique inspiré du Voyage au bout de la nuit de Céline… ou peut-être le Rouge et le Noir, tiens… Avec une allusion à peine dissimulée aux Skavens… Ouais, c’est bon ça ! Stendhal ou l’intolérable nuisance de l'angoisse menant à la tentative d’assassinat. Je me réjouis déjà!

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